Depuis quelques années et dans le contexte de ce qui est perçu comme une crise de la démocratie, les références historiques, et notamment les parallèles avec le début des années 1930, se multiplient dans les discours sur la démocratie en Europe et aux Etats-Unis, tant du côté de ses défenseurs que de ceux qui en critiquent les déficits et le fonctionnement. On le voit en Allemagne, où la montée de l’AfD depuis 2015 et les attentats d’extrême-droite (assassinat du préfet Walter Lübcke en 2019, attentats de Halle et Hanau en 2019 et 2020) ont réactivé les comparaisons avec la fin de la République de Weimar1 , et où le mouvement des Querdenker, opposé à des mesures sanitaires jugées dictatoriales, n’hésite pas à se référer à Sophie Scholl, figure de la résistance face au nazisme. Au Royaume-Uni, l’évocation de la Seconde Guerre Mondiale, qui a toujours émaillé les discours politiques et ceux de la presse populaire, a culminé avec le Brexit dès la campagne référendaire de juin 2016. Aux États-Unis, l’invasion du Capitole en janvier dernier et, de façon générale, le climat dans lequel s’est déroulée la dernière élection présidentielle ont aussi fait ressurgir des références historiques comme celle de la guerre de Sécession. L’Espagne connaît quant à elle depuis 1995/96 et surtout 2007 la revendication de la « Mémoire historique » (devenue « Mémoire démocratique » sous l’actuel Gouvernement), fondée sur l’idée que le processus de transition démocratique a été un « pacte de l’oubli » : en résumé, la mise en place du système démocratique – et, donc, la Constitution de 78- se serait faite sur le refus de vraiment purger le passé national sur les questions du franquisme et de la guerre civile, d’où la revendication d’une IIIe République, le rejet de la monarchie parlementaire et du système politique et institutionnel en vigueur. En Italie, si le philosophe Giorgio Agamben n’hésite pas à comparer l’instauration du passe sanitaire et l’obligation vaccinale aux lois d’exception du fascisme, ce sont paradoxalement les partis et mouvements s’inscrivant dans la filiation de ce dernier qui s’opposent avec le plus de véhémence à la politique sanitaire du gouvernement Draghi et se présentent ainsi comme les défenseurs des libertés individuelles et collectives. Ce colloque interdisciplinaire se propose d’analyser ces phénomènes à partir des cas de démocraties « historiques » (Royaume Uni, Etats-Unis) ainsi que de démocraties encore marquées par les expériences dictatoriales du XXe siècle (Allemagne, Italie, Espagne). Le cas de l’Amérique latine pourra également être envisagé. Il poursuit un double objectif : d’une part, contribuer à la recherche sur les usages politiques du passé et la question du « passé dans le présent » – question très actuelle dans la recherche en sciences humaines et sociales2 - et à la réflexion sur la crise actuelle de la démocratie ; d’autre part, dans la continuité de la recherche menée au sein de l’équipe « Individu & Nation » du Centre Interlangues/TIL, le faire à travers la rencontre et le dialogue entre des approches et objets d’études issus non seulement de cadres nationaux et d’aires culturelles différentes, mais également de différentes disciplines : civilisation, histoire, sciences politiques, études filmiques, littérature ou encore linguistique.
Axes de réflexion
Le colloque entend mettre au cœur de la réflexion non pas la pertinence des parallèles historiques et des références mobilisées, mais l’analyse des usages, des fonctions et du fonctionnement de ces références : Qui (quels groupes, mouvements, etc.) les mobilise, parfois d’ailleurs de façon contradictoire ? Comment (dans quels types d’argumentation, dans le cadre de quelles stratégies discursives) ? Dans quels buts : pour dénoncer des menaces pour la démocratie, les déficits de celles-ci, pour expliquer certains phénomènes actuels, pour mobiliser l’opinion, etc. ? Dans quels contextes (lien avec certains types d’évènements, dimension émotionnelle de ces discours, etc.) ? Dans quelle mesure l’Histoire est-elle revue et (souvent) corrigée en fonction d’intérêts bien déterminés ? Qu’est-ce que cet usage du passé révèle sur les conceptions de la démocratie, mais également sur la construction et l’évolution de la mémoire collective au sein des sociétés concernées ? Étudier ces phénomènes dans différents cadres nationaux doit également permettre de voir en quoi les horizons d’expérience spécifiques des uns et des autres ont un impact sur les références mobilisées et les usages politiques du passé, mais aussi d’identifier des stratégies et processus similaires et des éléments qui peuvent circuler entre différents discours. Les communications pourront prendre en compte différents types d’acteurs et de discours sur la démocratie : • les discours des acteurs institutionnels ; • les discours des mouvements politiques et citoyens, et notamment de ceux qui critiquent le fonctionnement actuel de la démocratie (AfD en Allemagne, Podemos et Vox en Espagne, partisans de Trump aux États-Unis, etc.) ; • les discours médiatiques • le discours des intellectuel.le.s et expert.e.s, souvent sollicités par les médias sur le sujet. En Allemagne, par exemple, on ne compte plus le nombre d’interviews avec des historiens sur les parallèles avec Weimar. • les productions littéraires et audiovisuelles, dans la mesure où celles-ci peuvent, à travers des intrigues situées dans le passé (y compris dans un passé fictif, comme dans le cas des uchronies), livrer un discours sur l’état de la démocratie aujourd’hui, ou au moins un discours qui peut être interprété comme tel – un phénomène de réception en lui-même très intéressant. On peut penser ici par exemple à la série allemande Babylon Berlin (diffusée depuis 2017), qui se déroule dans les dernières années de la République de Weimar, ou encore la mini-série de David Simon The Plot Against America (2020)3 , uchronie située durant la Seconde guerre mondiale et elle-même adaptée d’un roman de Philip Roth ; Différents types d’études sont envisageables : analyse des références historiques au sein d’un discours spécifique, analyse comparative de l’usage des mêmes références dans différents discours au sein d’un cadre national ; approches transnationales, etc.
Modalités de candidature
Les chercheuses et chercheurs intéressé.e.s peuvent soumettre une proposition de communication d’ici le 31 janvier 2022 en envoyant un résumé (300 à 400 mots) et un CV aux organisateurs : • pour l’aire anglophone : Marine Paquereau, marine.paquereau@ubourgogne.fr • pour l’aire germanophone : Nathalie Le Bouëdec, nathalie.le-bouedec@ubourgogne.fr • pour l’aire hispanophone : Pierre-Paul Grégorio, pierre-paul.gregorio@ubourgogne.fr • pour l’aire italophone : Nicolas Bonnet, nicolas.bonnet@u-bourgogne.fr Les propositions peuvent être formulées en français, allemand, anglais, espagnol ou italien. En revanche, les langues de communication du colloque seront uniquement le français et l’anglais. Les propositions de jeunes chercheuses et chercheurs sont les bienvenues. Les frais d’hébergement et les repas seront pris en charge par les organisateurs. Le colloque donnera lieu à une publication collective.
Organisateurs/-trices
Agnès Alexandre-Collier, Nicolas Bonnet, Pierre-Paul Grégorio, Nathalie Le Bouëdec, Alix Meyer, Marine Paquereau (Université de Bourgogne, TIL, équipe Individu & Nation)
Comité scientifique
Agnès Alexandre-Collier (PR, civilisation britannique, université de Bourgogne/TIL) Nicolas Bonnet (PR, littérature italienne, université de Bourgogne/TIL) Pierre-Paul Grégorio (PR, civilisation espagnole contemporaine, université de Bourgogne/TIL) Nathalie Le Bouëdec (PR, histoire et civilisation allemande, université de Bourgogne/TIL) Alix Meyer (MCF, civilisation américaine, TIL) Marine Paquereau (MCF, littérature américaine, TIL) Alma-Pierre Bonnet (PRAG, civilisation britannique, Sciences Po Lyon/chercheur associé à TIL) Michael Drolet (théorie politique, enseignant au Worcester College, Oxford) Julio Pérez Serrano (PR, Histoire, Université de Cadix)
CONVOCATORIA
Coloquio internacional « Perfectos tiempos pretéritos: la movilización de las referencias históricas en los discursos contemporáneos sobre la democracia » (Universidad de Borgoña, Dijon, 20-21 de octubre de 2022)
En los últimos años y en el contexto de lo que se percibe como una crisis de la democracia, se han multiplicado las referencias históricas, y en particular los paralelismos con los primeros años de la década de 1930, en el discurso sobre la democracia en Europa y en los Estados Unidos, tanto del lado de sus defensores como de los que critican sus carencias y su funcionamiento. Esto puede verse en Alemania, en donde el ascenso de la AfD desde 2015 y los atentados de extrema derecha (asesinato del prefecto Walter Lübcke en 2019, atentados en Halle y Hanau en 2019 y 2020) han reactivado las comparaciones con el final de la República de Weimar. Asimismo, el movimiento Querdenker, opuesto a las medidas sanitarias consideradas como dictatoriales, no duda en referirse a Sophie Scholl, figura de la resistencia frente al nazismo. En el Reino Unido, la evocación de la Segunda Guerra Mundial, nunca del todo ausente en los discursos políticos y de la prensa popular, culminó durante la campaña del referéndum del Brexit en junio de 2016. En Estados Unidos, la invasión del Capitolio, el pasado mes de enero y, en general, el clima en el que se desarrollaron las últimas elecciones presidenciales, reactivaron igualmente las referencias históricas como la Guerra de Secesión. En España, desde 1995/96 y especialmente desde 2007, se ha reivindicado la « Memoria Histórica » (transmutada en « Memoria Democrática » con el actual gobierno), basándose en la idea de que el proceso de transición democrática fue un « pacto para el olvido »: en otras palabras, la instauración del sistema democrático -y, por tanto, de la Constitución del 78- se habría asentado en la negativa a depurar realmente el pasado nacional en lo referente al franquismo y a la Guerra Civil. De ahí la reivindicación de una Tercera República, el rechazo a la monarquía parlamentaria y del sistema político e institucional actuales. En Italia, si el filósofo Giorgio Agamben no duda en comparar la instauración del certificado de vacunación y las vacunas obligatorias con las leyes de excepción del fascismo, son paradójicamente los partidos y movimientos que se reclaman de este último los que se oponen con más vehemencia a la política sanitaria del gobierno de Draghi y se presentan así como adalides de las libertades individuales y colectivas.
Este coloquio interdisciplinar analizará estos fenómenos tanto en las llamadas democracias « históricas » (Reino Unido, Estados Unidos), como en las democracias aún marcadas por las experiencias dictatoriales del siglo XX (Alemania, Italia, España). También podrá considerarse el caso de América Latina.
El coloquio tiene un doble objetivo: por una parte, contribuir a la investigación sobre el recurso, en política, al pasado y a la cuestión del « pasado en el presente » -una cuestión muy actual en la investigación en humanidades y ciencias sociales – y profundizará también en la reflexión sobre la crisis actual de la democracia; por otro lado, en la línea de las investigaciones realizadas en el equipo « Individu et Nation » del Centro Interlangues/TIL, hacer todo ello a través del encuentro y el diálogo entre enfoques y objetos de estudio procedentes no sólo de diferentes marcos nacionales y áreas culturales, sino también de diferentes disciplinas: civilización, historia, ciencias políticas, estudios cinematográficos, literatura y lingüística.
Ejes
El coloquio pretende centrarse no en la pertinencia de los paralelos y las referencias históricas utilizadas, sino en el análisis de los usos, las funciones y el funcionamiento de estas referencias: ¿Quién (qué grupos, movimientos, etc.) las moviliza, a veces de forma contradictoria? ¿Cómo (en qué tipos de argumentación, en el marco de qué estrategias discursivas)? ¿Con qué fines: para denunciar las amenazas contra la democracia, las carencias de la misma, para explicar algunos fenómenos actuales, para movilizar a la opinión,…? ¿En qué contextos (relación con determinados tipos de acontecimientos, dimensión emocional de estos discursos, etc.)? ¿Hasta qué punto se revisa y, a menudo, se corrige la Historia en función de intereses concretos? ¿Qué revela este uso del pasado sobre las concepciones de la democracia, y también sobre la construcción y la evolución de la memoria colectiva en el seno de las sociedades en cuestión?
El estudio de estos fenómenos en diferentes contextos nacionales también deberá permitir ver cómo los horizontes de experiencia específicos de los distintos países influyen sobre las referencias movilizadas y en los usos políticos del pasado. Igualmente, conducirá a identificar estrategias y procesos similares y elementos que pueden circular entre diferentes discursos.
Las ponencias podrán tener en cuenta diferentes tipos de actores y discursos sobre la democracia:
– los discursos de los actores institucionales;
– los discursos de los movimientos políticos y ciudadanos, especialmente los que critican el funcionamiento actual de la democracia (AfD en Alemania, Podemos y Vox en España, los partidarios de Trump en Estados Unidos, etc.);
– el discurso de los medios de comunicación
– el discurso de los intelectuales y de los expertos, sobre el cual suelen apoyarse los medios de comunicación. En Alemania, por ejemplo, hay innumerables entrevistas con historiadores sobre los paralelismos con Weimar.
– las producciones literarias y audiovisuales, en la medida en que éstas pueden, a través de tramas ambientadas en el pasado (incluso en un pasado ficticio, como en el caso de las ucronías), ofrecer un discurso sobre el estado de la democracia en la actualidad, o al menos un discurso que puede ser interpretado como tal, un fenómeno de recepción, ya de por sí muy interesante. Ejemplos de ello son la serie alemana Babylon Berlín (emitida desde 2017), que se desarrolla en los últimos años de la República de Weimar, o la miniserie de David Simon El complot contra América (2020), una ucronía ambientada en la Segunda Guerra Mundial y adaptada a su vez de una novela de Philip Roth;
Son posibles diferentes tipos de estudios: análisis de las referencias históricas dentro de un discurso específico; análisis comparativo del uso de las mismas referencias en diferentes discursos dentro de un marco nacional; enfoques transnacionales, etc.
Para proponer una ponencia
Los investigadores interesados pueden presentar una propuesta de ponencia antes del 31 de enero de 2022, enviando un resumen (300-400 palabras) y un currículum vitae a los organizadores:
– para la zona de habla inglesa: Marine Paquereau, marine.paquereau@u-bourgogne.fr
– para la zona de habla alemana: Nathalie Le Bouëdec, nathalie.le-bouedec@u-bourgogne.fr
– para la zona de habla española: Pierre-Paul Grégorio, pierre-paul.gregorio@u-bourgogne.fr
– para la zona de habla italiana: Nicolas Bonnet, nicolas.bonnet@u-bourgogne.fr
Las propuestas pueden formularse en francés, alemán, inglés, español o italiano. Sin embargo, las lenguas del coloquio serán únicamente el francés y el inglés.
Las propuestas de jóvenes investigadores son bienvenidas.
El alojamiento y las comidas correrán a cargo de la organización.
Las ponencias del coloquio darán lugar a una publicación colectiva.
Organización
Agnès Alexandre-Collier, Nicolas Bonnet, Pierre-Paul Grégorio, Nathalie Le Bouëdec, Alix Meyer, Marine Paquereau (Université de Bourgogne, TIL, équipe Individu & Nation)
Comité scientifique
Agnès Alexandre-Collier (Catedrática, civilización británica, Universidad de Borgoña/TIL)
Nicolas Bonnet (Catedrático, Literatura italiana, Universidad de Borgoña /TIL)
Pierre-Paul Grégorio (Catedrático, civilización española contemporánea, Universidad de Borgoña /TIL)
Nathalie Le Bouëdec (Catedrática, civilización alemana, Universidad de Borgoña /TIL)
Alix Meyer (Profesor Titular, civilización norteamericana, Universidad de Borgoña TIL)
Marine Paquereau (Profesora Titular, literatura norteamericana, Universidad de Borgoña TIL)
Alma-Pierre Bonnet (Catedrática de Instituto, civilización británica, Sciences Politiques – Lyon/investigadora asociada a TIL)
Michael Drolet (Teoría política, profesor en el Worcester College, Oxford)
Julio Pérez Serrano (Catedrático, Historia contemporánea, Universidad de Cádiz)